La publicité qu'ossa donne?
Télévision, radio, journal, affiches, circulaires, avions et ballons dirigeables! Tous les moyens sont bons pour dire qu'on a un produit à vendre, qu'il est génial et qu'il est bien plus génial que cet autre produit qui lui ressemble mais qui n'est pas tout à fait pareil, etc. etc.
Devant cette surenchère de messages, on est en droit de se demander: est-ce que ça donne quelque chose de faire de la publicité ou est-ce qu'on en fait parce que tout le monde en fait? Poser la question, c'est un peu donner la réponse... Parce qu'on vit dans une société où les médias sont de plus en plus présents, on n'a pas le choix: si un produit ne parle pas, ne s'exprime pas, il n'existe tout simplement pas. Être ou ne pas être, telle est la question!
Avant d'acheter un produit, les gens achètent la pub!
La publicité est une intrusion. Les gens ne demandent pas à la voir, ils la subissent. C'est pourquoi elle doit non seulement présenter un produit, elle doit elle-même se présenter comme un produit attirant, séduisant. Sinon, elle risque d'être ignorée, ou rejetée, ce qui est loin de servir le produit annoncé.
C'est d'ailleurs ce principe qui a orienté la conception de la publicité sur les œufs des dernières années. Et qu'il s'agisse de l'appréciation du public, de l'appréciation des critiques et leaders d'opinion en marketing ou des résultats en termes de ventes d'oeufs, force est d'admettre que cette publicité a remporté un franc succès.
Les annonces journal (OUI, NON), dans lesquelles un œuf remplace le «O», ont remporté le Coq du public du Publicité Club de Montréal, un prix déterminé par sondage auprès des consommateurs. Le Prix du meilleur message radio dans la catégorie «alimentation» décerné par la Radio Marketing Bureau pour le message «Oui maman» a également été accordé par les auditeurs. La campagne journal et l'affichage (OUI, NON, BON, MOMAN, etc) ont remporté plusieurs prix dans les divers concours publicitaires au Québec, au Canada et dans le monde. De plus, l'affichage «BON» a battu des records en obtenant une note de 8,4 (la moyenne est de 7,0) au Bulletin D conçu par la firme Descarie & complices, ce bulletin évaluant l'efficacité des différents messages publicitaires d'après un groupe d'experts en marketing. Enfin, bien qu'il serait présomptueux de l'attribuer aux activités de marketing et de communication, on a assisté au Québec à une hausse considérable des ventes d'œufs, observée depuis le printemps 1996 et qui se poursuit encore aujourd'hui.
La publicité qui n'en a pas l'air...
Parmi toutes les transformations des habitudes alimentaires et les recherches en alimentation des dernières décennies, c'est sans aucun doute la crise du «cholestérol» associé aux maladies cardio-vasculaires qui a le plus terni l'image de l'œuf. Surtout que l'équation était d'une simplicité déconcertante: les œufs contiennent du cholestérol, et le cholestérol est à la source des maladies cardiaques.
Il est difficile de renverser une telle perception négative avec la publicité, et ce pour deux raisons majeures. D'une part, il faut affronter des sources d'information (chercheurs, médecins, diététistes) qui sont beaucoup plus crédibles aux yeux des consommateurs qu'une fédération représentant des producteurs d'œufs. D'autre part, il faut pouvoir donner toutes les explications nécessaires pour renverser la première impression qui, elle, était toute simple, et la publicité se prête mal à ce genre d'explications.
C'est pourquoi la FPOCQ a décidé d'affronter les préjugés associés au cholestérol alimentaire en n'utilisant pas la publicité, mais en se servant plutôt d'une porte-parole experte et donc crédible (une diététicienne), en qui les consommateurs «peuvent» avoir confiance, pour donner des entrevues dans les médias et cautionner des communiqués de presse et de la documentation. Une campagne de relations de presse auprès du grand-public et de la presse spécialisée a ainsi été orchestrée pour diffuser les nouveaux résultats de recherche en alimentation et faire redécouvrir les vertus nutritionnelles de l'œuf.
Les résultats de cette opération ont été impressionnants: une page entière de couverture dans le Journal de Montréal, des articles dans plusieurs autres quotidiens, dans les hebdos et les magazines, ainsi que des interviews à la télé et à la radio. Une autre forme de publicité, peu coûteuse et, surtout, qui n'a pas l'air d'être de la publicité!
Des œufs, qu'ossa donne?
En conclusion, le fait qu'un produit soit connu et d'utilisation courante ne peut garantir que les gens vont toujours continuer de le consommer, surtout si on n'en parle plus. Il peut même être nécessaire de dépenser des millions pour mieux faire connaître des aliments comme les œufs et le lait, sinon, la concurrence aura tôt fait de prendre la place laissée libre dans l'esprit du consommateur. Et plus il y a de concurrence, plus on doit rappeler aux gens que notre produit existe.
On sera toujours en droit de se demander si on a les moyens de faire de la publicité. Mais de plus en plus, on est aussi en droit de se demander si on a les moyens de ne pas en faire.
François Ménard
Note: ce texte a été publié à l'origine dans la semaine du 12 juin 1997 de l'hebdomadaire La Terre de Chez-Nous. À l'époque j'occupais le poste de Conseiller en publicité et promotion à la Fédération des producteurs d'œufs de consommation du Québec. Malgré les années, ce texte demeure toujours d'actualité et reflète bien ma pensée publicitaire.